Février 2017
La dendrométrie, étymologiquement "mesure des arbres", évoque d’emblée des notions de géométrie et des formules mathématiques un brin austères. Mais pour peu que l’on accepte de se replonger dans les théorèmes appris sur les bancs de l’école, les démonstrations débouchent souvent sur quelques formules simples qui permettent de décrire rapidement sa forêt et ses peuplements.
Les critères qualitatifs sont souvent utilisés en premier pour décrire un peuplement : on parle ainsi d’une jeune futaie régulière de hêtre ou d’un taillis pauvre de châtaignier. Il est pourtant utile d’affiner cette description avec des données chiffrées. C’est le domaine de la dendrométrie, qui a pour objectif la caractérisation et la mesure des arbres et des peuplements : diamètre, hauteur, forme, volume, densité, accroissement... Elle sert autant dans le domaine de l’exploitation et de la commercialisation des bois que dans celui de la sylviculture et de l’aménagement forestier.
Si l’approche dendrométrique peut être poussée très loin, avec par exemple les modèles de croissance des arbres, il existe quelques notions simples, très utiles au quotidien et ne nécessitant pas d’investir dans du matériel coûteux. Il suffit de se rappeler quelques formules apprises à l’école pour obtenir des indicateurs qui, à défaut d’être très précis, peuvent néanmoins servir de guides dans la gestion d’une forêt. Alors à vos maths, prêts ? Partons !
La densité du peuplement correspond au nombre de tiges présentes sur une surface donnée. Elle s’exprime généralement en nombre de tiges par hectare (N/ha). Cette notion est un indicateur du degré de concurrence entre les arbres, à condition de tenir compte aussi de l’âge et de la fertilité de la station. Pour une même densité, la concurrence entre les arbres n’est en effet pas la même dans un perchis de sapin que dans une sapinière adulte.
Une fois la densité du peuplement connue, elle peut être comparée aux "normes" proposées dans certains itinéraires sylvicoles et guides de sylviculture (exemple ci-dessous).
Référentiels du guide des chênaies continentales pour la sylviculture du chêne sessile en futaie régulière en classe de fertilité 2 (source ONF)
* diamètre moyen attendu des arbres objectif à chaque intervention (en cm)
Elle donne aussi une indication du nombre d’arbres à prélever en éclaircie, calculé à partir de la densité du peuplement avant intervention et du taux de prélèvement en pourcentage du nombre de tiges par hectare. Ce taux de prélèvement se situe habituellement entre 15 et 25 % dans un peuplement adulte.
Pour déterminer la densité de façon précise, il faut inventorier les arbres présents sur la parcelle complète (inventaire en plein), ou sur plusieurs petites placettes de surface connue si le peuplement est assez homogène.
Pour une estimation rapide, on peut utiliser la méthode suivante, en répétant l’opération à 4 ou 5 endroits différents :
A partir d’un point choisi au hasard, on mesure la distance en mètres qui sépare ce point du milieu du tronc du 4ème arbre le plus proche. Cette distance L4 correspond au rayon d’un cercle comprenant 3,5 arbres (seule la moitié du houppier du 4ème arbre est dans le cercle).
Rappelez-vous la formule de la surface d’un cercle : S= Π x rayon².
Nous avons donc ici 3,5 arbres sur une surface de S = Π x (L4)². Chaque arbre occupe ainsi une surface s arbre = Π x (L4)²/3,5.
Sur un hectare, soit 10 000 m², on trouvera N = 10 000/s arbre = 10 000 / (Π x (L4)2/3,5) = 35 000/Π x (L4)2
Dans un peuplement moins homogène, on pourra faire le même calcul avec le 6ème ou le 7ème arbre le plus proche.
La hauteur, et plus particulièrement la hauteur dominante, c’est-à-dire la hauteur des arbres ayant le statut social de dominant, est, lorsqu’elle est couplée à l’âge du peuplement, un bon indicateur de la fertilité de la station.
La mesure de la hauteur totale d’un arbre permet aussi de définir son facteur d’élancement ou de stabilité, c’est-à-dire le rapport entre sa hauteur totale et son diamètre à 1,30 m (exprimés tous deux en mètres).
Le risque de chablis est ainsi considéré comme faible pour un peuplement dont les arbres ont un rapport h/d inférieur à 80.
Pour un h/d compris entre 80 et 100, des éclaircies fortes sont déconseillées. Au-delà de 100, les risques de chablis sont élevés en cas d’intervention dans le peuplement.
Comment mesurer une hauteur de façon simple ?
A l’aide de la croix du bucheron :
Mais pourquoi ? Grace à Thalès !
Sur le schéma de la croix du bûcheron, on peut considérer le triangle OAB avec A’B’ et AB parallèles. Si on applique le théorème de Thalès, alors OA’/OA = A’B’/AB(1).
Considérons ensuite le triangle AOH, avec A’H’ et AH parallèles.
Toujours selon Thalès, OA’/OA = OH’/OH(2).
Comparons les égalités (1) et (2) : OA’/OA = A’B’/AB = OH’/OH.
Comme A’B’=OH’, alors AB = OH= BC.
La hauteur AB de l'arbre est égale à la distance BC entre l'arbre et l’observateur, distance facile à mesurer.
Le volume sur pied est un paramètre dendrométrique très utilisé, notamment parce qu’il peut être relié à la récolte de bois. Il n’est pas simple d’utilisation pour autant. Déjà faut-il veiller à préciser de quel volume il est question : volume aménagement comprenant la tige et le houppier, volume bois fort à la découpe fin bout de 7 cm de diamètre, volume bois d’œuvre.
Il existe ensuite une grande variété de tarifs de cubage à une ou plusieurs entrées (Algan, Schaeffer…) et de formules de cubage rapide, à choisir selon les essences et types de peuplement.
Nous vous proposons ici une approche rapide du volume bois fort (découpe fin bout 7 cm) par la surface terrière. Souvenez-vous, la surface terrière g d’un arbre correspond à la surface de la section transversale du tronc à 1,30 m de hauteur.
La surface terrière G d’un peuplement représente la somme des surfaces terrières de tous les arbres qui le composent, exprimée en m²/ha (cf. Floréal n°100/mars 2015). Si les arbres étaient cylindriques, le volume de leur tronc pourrait être calculé facilement avec la formule du cylindre : V cylindre = surface de la base x hauteur, appliqué à l’arbre, cela donne v arbre = g arbre x h arbre
Ce volume est faux par excès : d’une part le tronc n’est pas cylindrique, mais plus ou moins conique, d’autre part la hauteur découpe 7 cm est inférieure à la hauteur totale de l’arbre. Il faut donc appliquer un coefficient correcteur f.
Le volume de l’arbre devient v arbre = g arbre x h arbre x f
Rapportée à un peuplement, cette formule devient V = G x H x F avec
Les coefficients de forme (découpe bois fort) ont été calculés pour différentes essences en peuplement équienne, c'est-à-dire dont les arbres ont le même âge ; ils varient entre 0,40 et 0,55.
Vous trouverez aussi des coefficients (F x H) pour différentes essences et hauteurs à la fin des guides de sylviculture, qu’il suffit de multiplier par la surface terrière pour obtenir le volume bois fort du peuplement.
Il est important de noter que cette formule permet une approche rapide du volume à l'hectare, mais pas de cuber avec précision une coupe de bois vendue sur pied.
La leçon de mathématiques est terminée, l’heure de la récréation a sonné, il ne vous reste plus qu’à emmener vos enfants et petits-enfants en forêt pour réviser…
Maren Baumeister - CRPF
Pour huit mètres précis de bille ou mieux de tronc,
Le volume d’un Chêne ou d’un Hêtre en bois rond,
Est égal au carré de leurs bas diamètres
Multiplié par cinq. Avez-vous quelques mètres
D’écart avec les huit, corrigez ce produit,
D’un dixième par mètre en surplus ou déduit.
(…)
Extrait d’un poème composé par l’officier forestier Georges Vaulot (1846-1927) pour illustrer la formule de cubage rapide d’Algan-Monnin pour le calcul du volume de bois d’œuvre dans les réserves de taillis-sous-futaie (d’après un article de J. Pardé dans la Revue Forestière Française, n° 2 - 1988)
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