La sécurité

Maladie de Lyme : le programme CiTIQUE et la prévention pour les forestiers

Mai 2025

Un bûcheron en action dans une forêt : les professionnels du bois sont parmi les plus exposés aux piqûres de tiques.

Bûcherons, sylviculteurs, gardes forestiers et autres professionnels de la forêt paient un lourd tribut aux tiques. Travaillant chaque jour au cœur des milieux boisés, ils s’exposent en première ligne au risque de maladie de Lyme. La multiplication des tiques dans les écosystèmes forestiers, liée à l’évolution de la faune sauvage et au changement climatique, accentue ce risque pour les travailleurs exposés. Une étude récente a ainsi révélé que plus de 90 % des travailleurs forestiers interrogés ont déjà été piqués par une tique au cours de leur carrière. Chaque année, en moyenne, une vingtaine de cas de maladie de Lyme sont même reconnus en maladie professionnelle dans ce secteur. Face à ce constat, la vigilance et la prévention sont essentielles. Dans ce contexte, le programme CiTIQUE – une initiative participative – vise à améliorer nos connaissances sur les tiques et à aider les professionnels de la forêt à se protéger.

La maladie de Lyme : symptômes, transmission et reconnaissance professionnelle

La maladie de Lyme (borréliose de Lyme) est une infection due à une bactérie du genre Borrelia, transmise à l’homme par la piqûre d’une tique infectée du genre Ixodes. En France, on estime entre 35 000 et 70 000 le nombre de nouveaux cas chaque année. Quelques jours ou semaines après la piqûre, le premier signe typique est l’apparition d’une plaque rouge qui s’étend autour du point de morsure (érythème migrant). Un traitement antibiotique précoce permet généralement d’enrayer l’infection et d’éviter sa diffusion. Sans traitement, la bactérie peut se propager dans l’organisme et atteindre divers systèmes : articulations (arthrite), système nerveux (paralysie faciale, méningite…) ou encore le cœur. Ces complications parfois graves renforcent l’importance d’un dépistage et d’un traitement rapides.

À ce jour, il n’existe pas de vaccin pour prévenir la maladie de Lyme. Sous certaines conditions, cette affection peut faire l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle chez les travailleurs exposés, notamment les agents forestiers. La borréliose de Lyme figure en effet aux tableaux des maladies professionnelles du régime général et agricole (depuis 1999), ce qui permet une prise en charge spécifique des victimes remplissant les critères (exposition professionnelle avérée et symptômes caractéristiques dans des délais définis). En pratique, cela concerne surtout les métiers en contact fréquent avec les tiques (travaux en forêt, en zones broussailleuses, élevage, etc.). Ainsi, la maladie de Lyme est désormais reconnue comme un risque professionnel à part entière pour les forestiers, appelant des mesures de prévention adaptées.

Le programme CiTIQUE : objectifs, fonctionnement et outil Signalement TIQUE

Initiée en 2017 dans le cadre du Plan national contre la maladie de Lyme, CiTIQUE est un programme de recherche participative qui mobilise citoyens et professionnels afin de mieux connaître l’écologie des tiques et les maladies qu’elles transmettent (dont Lyme). Le programme fait appel aux volontaires de tous horizons – jardiniers, randonneurs, forestiers, agriculteurs, vétérinaires, etc. – pour contribuer à la collecte d’informations sur les piqûres de tiques et les agents pathogènes qu’elles véhiculent. L’objectif est de constituer une vaste base de données permettant de cartographier dynamiquement le risque en fonction des régions, des milieux (boisés, urbains, prairies...), de la météorologie et des saisons. Ces données, impossibles à acquérir sans cette aide du terrain, servent à modéliser le risque et à améliorer la prévention auprès du public et des professionnels de santé. CiTIQUE fournit ainsi une information scientifique validée sur les risques de piqûre de tique et les moyens de s’en protéger, contribuant à orienter les politiques publiques de santé.

En pratique, le programme s’articule autour de plusieurs actions phares. L’outil principal est l’application mobile « Signalement TIQUE », disponible gratuitement sur smartphones (iOS, Android) et via le site web dédié. Cette application permet à toute personne (ou professionnel) piquée par une tique de signaler la piqûre en quelques clics : date, lieu précis (géolocalisation) et contexte de la piqûre sont enregistrés. On peut y déclarer les piqûres sur soi-même mais aussi sur un animal (chien, cheval…). En retour, l’application fournit à l’utilisateur des conseils sur les bons réflexes à avoir en cas de piqûre et propose un suivi personnalisé (par exemple des rappels pour surveiller l’apparition de symptômes). Autre volet du programme : il est proposé aux participants d’envoyer la tique prélevée sur la victime aux chercheurs, afin d’alimenter la première “tiquothèque” nationale. Des kits de collecte de tiques sont mis à disposition (notamment dans certaines pharmacies partenaires) pour faciliter l’envoi des spécimens, qui serviront à des analyses en laboratoire (identification de l’espèce de tique, recherche de Borrelia et autres agents pathogènes). L’ensemble de ces contributions alimente la recherche et aide à mieux comprendre la répartition des tiques porteuses de maladies en France.

Le programme CiTIQUE s’inscrit également dans des partenariats avec les acteurs du monde forestier pour renforcer la participation des professionnels. Par exemple, un partenariat a été noué avec le CNPF (Centre national de la propriété forestière) en 2021 afin de sensibiliser ses agents au risque tique et de les inviter à utiliser les outils numériques de CiTIQUE sur le terrain. Chaque agent peut ainsi signaler ses piqûres de tiques professionnelles via l’application et consulter son historique de piqûres, utile en cas de problème de santé ultérieur. Les données recueillies (anonymisées) sont exploitées par le CNPF pour orienter sa politique de prévention interne, et par INRAE pour faire progresser les connaissances scientifiques. De son côté, l’Office national des forêts (ONF) s’est lui aussi rapproché de CiTIQUE : un formulaire dédié aux employés a été intégré dans l’application Signalement TIQUE afin d’affiner les statistiques et d’améliorer les démarches de prévention au sein de l’ONF. Grâce à cet outil, les agents forestiers de l’ONF disposent d’un suivi centralisé de leurs expositions (piqûres déclarées, rappels de surveillance médicale, etc.), ce qui représente un gain pour leur santé et pour la recherche. CiTIQUE offre ainsi une opportunité unique de contribution citoyenne : chaque signalement de tique permet d’en savoir un peu plus sur ces « tiques forestières » et sur la maladie de Lyme, au bénéfice de toute la communauté.

Les premières analyses issues du programme confirment que les piqûres de tiques ne concernent pas que les forestiers, mais surviennent dans une variété de contextes géographiques. Cette carte de France, régulièrement mise à jour, montre par exemple une forte concentration de signalements dans l’est du pays, mais aussi que 28 % des piqûres recensées ont lieu dans des jardins privés. Ces résultats soulignent l’intérêt de l’initiative : mieux connaître les situations à risque pour mieux cibler la prévention, tout en rappelant que la vigilance doit s’exercer partout, y compris hors des grandes forêts.

Prévention : bonnes pratiques pour les métiers forestiers

Les tiques sont particulièrement actives du printemps à l’automne (d’avril à octobre en France). Les professionnels de la sylviculture et du bûcheronnage, qui travaillent quotidiennement dans les sous-bois, doivent adopter des mesures de protection strictes. Voici quelques bonnes pratiques de prévention adaptées aux métiers forestiers :

  • Porter des vêtements appropriés : utilisez une tenue de travail couvrante (haut à manches longues serrées aux poignets, pantalon long) pour limiter les zones de peau exposées. Rentrez le bas du pantalon dans les chaussettes ou portez des guêtres pour empêcher les tiques de s’introduire sous les habits. Privilégiez des vêtements de couleur claire afin de repérer plus facilement les tiques qui pourraient s’y accrocher.
  • Utiliser des répulsifs anti-tiques : appliquez éventuellement un répulsif cutané sur les zones de peau découvertes ou imprégnez vos vêtements avec un produit acaricide adapté avant de partir sur le terrain. Respectez toujours les précautions d’emploi de ces produits (renouvellement, contre-indications, etc.). Notez que certains employeurs préfèrent limiter l’usage quotidien de répulsifs chimiques pour leurs salariés, en raison du rapport bénéfice/risque discutable sur de longues périodes d’exposition. Dans tous les cas, le port de vêtements protecteurs reste la première barrière.
  • S’inspecter minutieusement après le travail : chaque soir, examinez l’ensemble du corps à la recherche de tiques, en portant une attention particulière aux zones chaudes et humides où elles aiment se loger (aisselles, plis des genoux, aine, nombril, cuir chevelu, derrière les oreilles, etc.). N’hésitez pas à demander l’aide d’un collègue pour vérifier les endroits difficilement visibles. Répétez l’inspection le lendemain car une tique peut passer inaperçue les premières heures.
  • Retirer rapidement toute tique fixée : si vous découvrez une tique accrochée à la peau, retirez-la immédiatement à l’aide d’un tire-tique (petit crochet ou pince spécifique, à toujours garder dans la trousse de secours). Saisissez la tique au plus près de la peau et tirez doucement sans l’écraser. Plus la tique reste fixée longtemps, plus le risque de transmission de la maladie de Lyme augmente. Après extraction, désinfectez la peau et notez la date et la zone de la morsure.
  • Surveiller l’apparition de symptômes : une fois la tique enlevée, continuez à observer la zone de piqûre pendant quelques semaines. L’apparition d’une rougeur étendue (érythème migrant) autour de l’ancienne piqûre, ou de symptômes grippaux (fièvre, frissons, fatigue inhabituelle, maux de tête, douleurs articulaires), doit vous alerter. En cas de signe clinique suspect, consultez sans tarder votre médecin traitant. Informez-le de votre activité professionnelle en forêt ou de vos récents séjours en zones à risque : ce contexte d’exposition orientera le diagnostic. Un traitement préventif ou curatif pourra être envisagé par le médecin si nécessaire.

    Conclusion : vigilance et participation au programme

    La maladie de Lyme représente un enjeu de santé important pour les travailleurs en milieux forestiers, mais il est possible de s’en protéger en combinant prévention quotidienne et vigilance sanitaire. Le respect des bonnes pratiques (équipement adéquat, inspection systématique, retrait des tiques, suivi médical…) doit faire partie intégrante des routines de travail en forêt. Les employeurs du secteur ont également un rôle clé à jouer en sensibilisant leurs équipes : à l’ONF, par exemple, chaque nouvel agent est formé aux risques liés aux tiques et des rappels sont effectués chaque année avant la belle saison.

    Parallèlement, la participation au programme CiTIQUE est fortement encouragée. En déclarant chaque piqûre de tique sur l’application Signalement TIQUE, les professionnels de la forêt contribuent à une meilleure connaissance collective du risque. Chaque signalement compte : les données recueillies alimentent la recherche et pourront, à terme, guider des mesures de prévention plus ciblées sur le terrain. En rejoignant cette démarche de science participative, les forestiers participent activement à la lutte contre la maladie de Lyme tout en bénéficiant d’outils de suivi utiles pour leur propre santé. Restons vigilants, adoptons les bons gestes de prévention au quotidien, et n’hésitons pas à faire remonter nos observations via CiTIQUE : c’est ensemble que nous parviendrons à limiter l’impact des tiques forestières et de la maladie de Lyme sur les professionnels comme sur le grand public.

    Ressources utiles

    Programme CiTIQUE – Site officiel du programme participatif (informations, accès à l’application Signalement Tique, kit de collecte)
    INRS – Maladie de Lyme et travail – Dépliant d’information (ED 6304) décrivant les risques et les mesures de prévention pour les travailleurs exposés
    CNPF – Se prémunir de la maladie de Lyme – Article du Centre national de la propriété forestière sur la prévention des piqûres de tiques en milieu forestier et le partenariat avec CiTIQUE
    Santé Publique France – Borréliose de Lyme – Dossier thématique (chiffres épidémiologiques, conseils aux professionnels de santé et au grand public)