Les sols forestiers : des milieux fragiles

Le 24 juillet dernier, la ministre en charge des forêts a lancé le plan d’action pour la préservation des sols forestiers. Ce plan est issu de travaux réalisés avec les professionnels de la filière forêt-bois, des scientifiques et représentants d’associations complétés par des contributions de différentes structures de conseil telles que le Comité national de la biodiversité, le Conseil national de la protection de la nature ou le Conseil supérieur de la forêt et du bois. C’est dire que le sujet est transversal et majeur.

En effet, les sols forestiers constituent le pilier essentiel des écosystèmes forestiers, déjà en étant le support de ce qui fait une forêt pour toutes et tous, à savoir les arbres, les autres végétaux et champignons.

Mais, les sols forestiers remplissent de nombreuses autres fonctions vitales autres que le support de la végétation. Ainsi, les sols forestiers sont un réservoir de biodiversité, ils participent à la filtration de l’eau et constituent un puits de carbone

Enfin, en fonction de leur fertilité chimique et de leurs caractéristiques physiques, c’est eux qui donnent un autre visage à la forêt que nous voyons.

Toutefois certains types de sols forestiers sont particulièrement vulnérables aux activités humaines, notamment celles liées aux travaux forestiers qui peuvent provoquer des altérations profondes et durables s’ils sont réalisés de manière inappropriée.

Les travaux forestiers, en particulier les opérations de récoltes mécanisées, de débardage, font appel à des engins d’un certain tonnage. Ces interventions peuvent profondément perturber la structure et la composition du sol. L’un des effets les plus directs est le tassement du sol, spécifiquement pour ceux qui y sont sensibles tels que les sols avec des limons, or le passage répété de machines crée une pression mécanique qui réduit la porosité du sol. En conséquence, l’air et l’eau circulent moins bien, ce qui nuit à la respiration des racines, à l’activité des micro-organismes et à l’infiltration de l’eau. Le tassement entraîne aussi une augmentation du ruissellement, favorisant l’érosion des sols en pente.

Pour ce faire, les forestiers installent des couloirs de circulation que les engins doivent impérativement emprunter : les cloisonnements d’exploitation. En parallèle des techniques de débardage par des systèmes aériens de type câble-mât, comme nous vous le présentions dans un article de notre blog (https://www.zimmersa.com/blog-forestier/debardage-par-cable-mat-n22) sont aussi utilisables, mais avec un coût et des contraintes organisationnelles différents.

L’Office national des forêts et la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires ont édité le guide Practic’sols à l’usage des professionnels qui vise à répondre à cette problématique de protection des sols contre le tassement de même que l’orniérage en mettant en avant 23 recommandations de protection des sols et une méthodologie décisionnelle.

Par ailleurs, les coupes forestières dans le cas des coupes rases peuvent provoquer une mise à nu du sol. Sans la couverture végétale, le sol est exposé directement aux intempéries et au rayonnement solaire direct. Les fortes pluies peuvent donc entraîner une érosion accélérée, emportant les couches superficielles les plus riches en matière organique et en nutriments, sans parler de la minéralisation du carbone du sol. Ce phénomène appauvrit le sol et réduit le stock de carbone.

Un autre risque est la perturbation de la faune et de la flore du sol. Les organismes du sol (vers de terre, insectes, champignons, bactéries, etc.) jouent un rôle crucial dans la décomposition de la matière organique, la fertilité et la structuration du sol. Les travaux intensifs détruisent les micro-habitats et perturbent les équilibres biologiques, réduisant la biodiversité souterraine.

En outre, les pratiques forestières peuvent avoir un impact sur la fertilité des sols et leur biodiversité. Ainsi, l’exportation d’une grande quantité de biomasse, notamment les branches de moins de 7 cm de diamètre (les rémanents) riches en éléments minéraux, peut provoquer une baisse de la fertilité en particulier sur des sols déjà pauvres en éléments nutritifs sans parler de la disparition de bois au sol qui sont des supports de biodiversité.

Il est donc essentiel de considérer le sol non pas comme un simple support, mais comme un écosystème vivant et fragile. Les impacts des travaux forestiers, s’ils sont visibles dans l’immédiat dans le cas des ornières, sont souvent invisibles, mais leurs effets peuvent persister pendant des décennies, voire devenir irréversibles à notre échelle de temps.

Pour limiter ces fragilités, les forestiers doivent intégrer dans leurs pratiques de gestion forestière durable la limitation de la surface circulée par des engins, la planification des chantiers en fonction de la portance des sols et l’intégration des enjeux pédologiques.

Protéger les sols forestiers, c’est préserver la base de la vie forestière elle-même et de la capacité des forêts à répondre à nos besoins actuels et futurs.

Ainsi, le plan d’action pour la préservation des sols forestiers a pour objectifs de « permettre d’identifier et de combler des lacunes de connaissances et de renforcer les réseaux de surveillance des sols (axe 1), d’intégrer des actions opérationnelles pour passer de la théorie à la pratique et pour lever des freins et/ou inciter à mettre en œuvre les bonnes pratiques. Dans cette optique, l’évaluation technico-économique des solutions est une dimension essentielle (axe 2). Une attention particulière est portée à l’accompagnement des acteurs en leur facilitant l’accès à la connaissance (outil d’aide à la décision, formations…) (axe 3) mais également en proposant des nouveaux leviers économiques (axe 4) et réglementaires (axe 5) pour promouvoir la transition vers des pratiques préservant mieux la qualité des sols ».

Pour aller plus loin

– Site internet de l’ONF : https://www.onf.fr/onf/+/2464::les-sols-forestiers-un-patrimoine-naturel-tres-riche-mais-menace.html

– Plan d’action pour la préservation des sols forestiers : https://www.ecologie.gouv.fr/rendez-vous/plan-daction-preservation-sols-forestiers

– Guide Pratic’sols : https://www.onf.fr/produits-services/+/192::praticsols-guide-sur-praticabilite-des-parcelles-forestieres.html